Des eaux troubles du Mississippi naquirent un beau matin d’avril 1915
celui qui devait devenir le plus grand, le plus immense musicien de
Blues. Pour les 95 ans de Muddy Waters, qu’il aurait eus le 30
avril 2010, hommage à l’homme qui transforma le Blues, et dont la
musique, tel le Delta du Mississippi d’où elle a jailli, irrigua
et modela ensuite le paysage musical tout entier. Car, comme dit la
chanson, toute la musique que l’on aime, « elle vient de là,
elle vient du Blues… »
« Rollin’ Stone ». Tel fut le titre en 1950 de l’un des premiers grands succès de Muddy Waters. C’est même en référence à ce morceau que les Rolling Stones, mythique groupe de rock, se nommèrent ainsi. Mais avant d’en arriver là et connaître enfin la gloire, le long chemin que dut emprunter Muddy Waters ne fut guère parsemé de pétales de roses...
De son
vrai nom McKinley Morganfield, l’enfant voit le jour dans le sud
profond à une époque où la ségrégation fait rage. Sa mère meurt
lorsqu’il a trois ans. Il est alors confié à sa grand-mère (les
biographies ne mentionnent pas la présence d’un père) qui le
surnomme Muddy (‘boueux’) en raison de son goût pour les jeux
dans la boue. Il ajoutera plus tard à ce surnom « Water »,
puis « Waters », identité qui désormais ne le quittera
plus, de même que son autre surnom : « Mississippi ».
En
ce temps là, les ouvriers agricoles Noirs du Mississippi chantaient
un Blues typique de la région, le Delta
Blues.
Ils déversaient dans leurs textes et leurs mélodies les émotions
et les sentiments enfouis au fond d’eux, qu’ils ne pouvaient
exprimer autrement. Muddy a été confronté dès son plus jeune âge
à la dureté de la vie, et a baigné sa jeunesse durant dans ce
courant musical. Il s’en est si profondément imprégné que dès
l’âge de treize ans, alors qu’il travaillait déjà comme
ouvrier agricole, il savait jouer de l’harmonica. A dix-sept ans,
il maîtrisait la guitare. Et la vie continua…
En
1940, après avoir effectué des prestations musicales au niveau
local, Muddy décide de partir tenter sa chance à Chicago. Il
rentrera dans le Mississippi peu de temps après, mais ne baissera
pas les bras. Après avoir été enregistré en 1941 pour les
archives de la Bibliothèque du Congrès, nouveau départ
en 1943 pour la grande métropole du Nord. Et cette fois sera la
bonne.
Travaillant
le jour comme chauffeur de camion mais également ouvrier d’usine,
Muddy joue le soir dans les lieux les plus divers. La vie reste dure
pour le jeune musicien. C’est alors qu’en 1945, on lui offre une
guitare électrique, afin que sa musique puisse être audible dans
les clubs bruyants (et probablement très enfumés) où il se
produit ! L’électrification du Delta Blues de Muddy Waters
changea sans doute à jamais le cours de l’histoire musicale.
Les
tous premiers enregistrements de Muddy Waters, effectués en 1946, ne
sortiront jamais. Puis il se passa encore deux ans avant que sa
popularité ne grimpe en flèche dans les clubs grâce à son premier
succès : « I Can’t Be Satisfied », suivi de « I
Feel Like Going Home ».
Les
années cinquante voient ensuite le règne de Muddy Waters sur
le Chicago
Blues.
Muddy s’entoure de musiciens de premier rang, parmi lesquels le
jeune joueur d’harmonica Little
Walter.
Sa musique est si riche et si complexe qu’elle en devient difficile
à jouer, bien que pour lui, jouer soit évident, une seconde nature
qui ne semble pas lui demander le moindre effort. Au fur et à mesure
que la popularité du Blues augmente dans l’Amérique Blanche, la
population Noire se détache de plus en plus de cette musique au
profit d’autres styles musicaux, ce qui consterne Muddy Waters, qui
a le Blues dans le sang.
Les
disques de celui qui est devenu un Maître sortent désormais à
intervalles réguliers. Nombre d’entre eux sont aujourd’hui
entrés dans la légende. Muddy se produit fréquemment sur scène.
Une de ses plus grandes prestations se fera en 1960. Elle sera
enregistrée et deviendra son premier album ‘live’ : « At
Newport 1960 ». Muddy Waters fera en 1963 un bref retour vers
le son acoustique, pour reprendre ensuite de plus belle ce Blues
électrique qui avait tant surpris son public lors de sa tournée
anglaise en 1958. Un autre album live sortira en 1979 : « Muddy
‘Mississippi’ Waters Live ».
Mais
déjà, la santé du grand Bluesman décline… Il se produit de
moins en moins sur scène. Il offrira encore de très grands moments
de bonheur à son public en 1981, lors du festival ChicagoFest, où
il fut rejoint sur scène par son ami de longue date, le grand Johnny
Winter(le
concert fut enregistré en sortira en DVD en 2009. Voir ci-dessous le
lien vers la vidéo) puis
jouera en 1982 avec une autre légende, Eric Clapton.
Le 30
avril 1983, dix ans après le décès de sa femme d’un cancer,
événement tragique qui bouleversera sa vie et le poussera à
arrêter définitivement le tabac, Muddy Waters s’éteint
tranquillement pendant son sommeil, dans sa maison de la banlieue de
Chicago.
McKinley
Morganfield, alias Muddy ‘Mississippi’ Waters, a magnifiquement
accompli son destin.
Source
de la photo.
(Auteur : Jean Luc)
Vidéos.
Muddy
Waters au ChicagoFest, rejoint
à la 28ème minute par Johnny Winter. 52 minutes et 21 secondes de
bonheur absolu !
(Il
n’est évidemment pas garanti que cette vidéo soit éternellement
en ligne, ce qui serait dommage pour un artiste éternel, et qui le
restera.)
Si
la vidéo a du mal à se charger, on peut voir les neuf premières
minutes de ce concert ICI
Got
My Mojo Working en
1960.
Liens.
Le
site officiel de Muddy Waters,
sur lequel on peut voir de nombreuses et très belles photos.